Pontcallec
le marquis révolté
Au début du XVIIIe siècle, un quart de siècle après les Bonnets rouges, une nouvelle révolte enflamme la Bretagne contre le pouvoir royal. Elle est menée par quelques nobles, dont le marquis de Pontcallec, un personnage ambigu.
Né en 1679 au sein d’une famille illustre, mais endettée, Clément de Guer, marquis de Pontcallec, passe dix ans dans l’armée. Il revient ensuite au château familial, près du Faouët. Réputé dur avec ses gens, il pratique la chasse et vit de la contrebande du tabac.
Pendant ce temps, à des centaines de kilomètres de là, au centre du royaume, une série d’événements va provoquer une nouvelle fronde bretonne, une génération après les révoltes de 1675.
A la mort de Louis XIV en 1715, les temps sont incertains car le Roi soleil a laissé un État criblé de dettes à son successeur, le jeune Louis XV, qui n’a alors que 5 ans.
La régence est assurée par Philippe d’Orléans qui a réussi à écarter Louis-Auguste, duc du Maine et fils naturel et légitimé de Louis XIV. Rompant avec l’absolutisme, Philippe d’Orléans gouverne en s’appuyant sur le parlement et la haute noblesse à travers des conseils, la « polysynodie ».
Mais le Régent accroît également la pression fiscale pour rembourser les dettes du royaume, ce qui provoque de vives résistances, particulièrement en Bretagne. La péninsule bénéficie en effet alors d’un statut spécial concernant l’impôt.
Les États de Bretagne, réunis à Saint-Brieuc, refusent d’agréer de nouvelles taxes. Un nouveau commandant en chef est alors nommé, le maréchal de Montesquiou, qui ne fait qu’aggraver la situation. En 1717, il cherche à passer en force, mais il se heurte cette fois au Parlement.
Une délégation est ensuite envoyée par les États de Bretagne pour plaider leur cause auprès du Régent. Mais ses membres s’arrêtent à Sceaux et rencontrent le duc du Maine, le grand rival de Philippe d’Orléans. Une visite maladroite qui irrite le Régent.
La situation se tend durant l’été 1718 : le 22 juillet, Montesquiou, excédé, exclut 62 notables des sessions des États de Bretagne et fait exiler ou retenir sur leurs terres 12 membres du parlement. Et en septembre de la même année, il augmente l’impôt sur le vin et l’eau de vie !
C’est alors qu’un « Acte d'union pour la défense des libertés de la Bretagne », rédigé par le comte de Bonamour, recueille les signatures de plusieurs centaines de nobles. Parmi eux, le marquis deviendra l’incarnation d’une révolte aux accents fantasques, que l’on nommera « la conspiration de Pontcallec ».
Il parvient à recruter quelques dizaines d’hommes de main. En juin 1719, il rassemble 200 personnes, à Questembert, en vue d’une démonstration de force visant à empêcher son arrestation pour contrebande. La troupe se disperse rapidement, mais elle a attiré l’attention du Régent. Le 15 août, les conspirateurs attaquent des collecteurs d’impôts. En réponse, Montesquiou rejoint Rennes avec 15 000 hommes.
L’un des membres de la conspiration est arrêté à Nantes et avoue tout de leurs projets, notamment des contacts pris avec une frégate espagnole. Et Pontcallec est pourchassé.
La rébellion n'a guère de soutien populaire et elle s'effiloche. Plusieurs meneurs sont arrêtés, donc Pontcallec, capturé au presbytère de Lignol. Le verdict tombe le 26 mars 1720 et il est très sévère puisque quatre rebelles - Pontcallec, du Couëdic, Talhouët et Montlouis - sont condamnés à mort. Ils sont décapités dans la foulée, sur la place du Bouffay à Nantes. Seize autres conspirateurs, en fuite, sont condamnés à mort par contumace.
La sévérité des peines peut étonner, la révolte de Pontcallec n'ayant jamais représenté un danger sérieux pour le régime. L'accusation a tenté de mettre en évidence des connections avec l'Espagne et surtout avec le duc du Maine. Et c'est sans doute là que réside l'explication à la sévérité des peines. Le marquis et ses associés ont probablement servi de boucs émissaires pour mettre au pas la haute noblesse.
Pontcallec a par la suite été présenté comme un héros populaire, défenseur des libertés bretonnes. Une gwerz du Barzaz Breiz, "Maro Pontkallek", évoque la révolte et a été chantée par plusieurs artistes contemporains.
Quant au caractère quelque peu brouillon de la conspiration, il transparaît justement dans le film réalisé par Bertrand Tavernier en 1975, Que la fête commence, avec Jean-Pierre Marielle dans le rôle de Pontcallec.
Le marquis de Pontcallec et ses complices ont donc été exécutés sur la place du Bouffay, à Nantes, où une plaque commémore leur supplice. Cette place est étroitement liée à l’histoire de la cité des ducs de Bretagne.
Elle était autrefois bordée, au sud, par le rempart de la cité médiévale qui longeait la Loire. C’était sans doute l’ancienne cour du château comtal, puis ducal, appelé « château du Bouffay », avant qu’elle ne devienne la principale place de la cité au Moyen Âge.
Lorsque le château actuel des ducs de Bretagne est construit, à partir du XIVe siècle, le château du Bouffay devient quant à lui le centre des institutions municipales et judiciaires de la ville. C’est donc là que se tiennent désormais les grandes exécutions publiques. Bien avant celle des participants à la « conspiration de Pontcallec », on peut citer en 1626, l’exécution de Henri de Talleyrand Périgord, comte de Chalais, auteur et bouc émissaire d’une conspiration contre Richelieu et Louis XIII.
Aux XVIIIe et XIXe siècles, la place du Bouffay est profondément modifiée par les grands travaux d’urbanisme qui transforment la capitale de la Bretagne. Les anciens remparts qui bordaient la Loire sont détruits, de même que l’hôtel des Monnaies, alors que d’imposants immeubles et hôtels de style classique sont édifiés.
La place continue son évolution au XXe siècle jusqu’à devenir une… zone commerciale piétonne.
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