Marion du Faouët
la flamboyante
La belle Marion reste la plus fameuse des voleuses bretonnes. Au XVIIIe siècle, la petite mendiante se taille un véritable royaume autour du Faouët en devenant brigande. Elle attire autour d’elle une bande de sérieux coquins et multiplie les amants.
« Une particulière de la taille de cinq pieds ou environs, cheveux châtaigne roux, une cicatrice en haut du front, les yeux gris, le visage marqué de rousseurs, ayant une coiffe de la toile blanche à la mode la ville… ». Ainsi Marion du Faouët est-elle décrite dans un témoignage recueilli à l’occasion de l’un de ses procès…
Elle nait le 6 mai 1717, dans une famille pauvre du village de Porz-an-Haie, à un kilomètre environ du bourg du Faouët. Enfant, pour aider la famille, elle devient mendiante professionnelle et se fait déjà quelques contacts chez les marginaux de la région.
A 18 ans, c’est une belle jeune femme qui court les foires et les marchés du centre Bretagne, accompagnée d’une réputation de chapardeuse. Elle a une fille en 1736 avec un certain Henri Pezron. Une petite troupe s’agrège autour du couple et les plaintes se multiplient. En 1743, ils sont arrêtés par les archers de Carhaix à Castelaouënan. Marion parvient à « amadouer » la maréchaussée, mais les hommes sont internés.
Marion revient au Faouët où elle reconstitue une bande de larrons qui détroussent les voyageurs et les petites gens. On la baptise « Finefont », la fine rusée. On la craint, on préfère l’acheter pour avoir la paix, notamment lors des pardons où elle se rend pour festoyer, n’hésitant pas à prendre un amant éphémère.
En 1745, Henri Pezron s’évade et rejoint sa compagne. Ils s’attaquent à de plus riches victimes mais sont arrêtés l’année suivante. Marion est emprisonnée à Hennebont, puis à Rennes. Malgré la torture, Pezron disculpe Marion. Il est pendu en 1747.
Marion est quant à elle condamnée à être « fustigée de verges par trois jours », vêtue seulement d'une chemise, puis « marquée de la lettre V et exilée hors de Bretagne ». Humiliée et bannie, Marion revient pourtant rapidement au Faouët et reprend sa carrière criminelle : vols, dévergondage et fausse monnaie.
Complètement ivre, un beau jour de mai 1748, un membre de la bande entre dans la chapelle des Ursulines au Faouët et insulte les prêtres. Le sacrilège attise les foudres des autorités qui pourchassent la bande. Enceinte, Marion fuit, mais est capturée à Auray. Elle est à nouveau bannie, tandis que ses compagnons sont condamnés aux galères.
La légèreté de la peine interroge. Marion semble en effet bénéficier d’un protecteur, issu d’une vieille famille de Bretagne, René-Gabriel de Robien. Quoique membre d'une branche cadette de la famille, marginal et déclassé, il possède un manoir à Mellionnec et fréquente parfois les membres de la bande de Finefont. On lui prête des mœurs fort délurées.
Toujours est-il que, de retour dans son bourg, Marion met le pays en coupe réglée, avec un système de racket très structuré. Elle lève une nouvelle bande qui procède à des « quêtes » dans les fermes environnantes. Pour éviter les ennuis, les paysans préfèrent verser une part de leur récolte en échange de sa protection. Marion du Faouët délivre même des « intersignes », des sauf-conduits, qui permettent de ne pas être inquiété par ses séides.
Le 7 novembre 1751, une lettre de cachet est lancée à l’encontre de Gabriel-René de Robien qui est arrêté et interné à Pontorson. Marion préfère changer d’air, ce qui ne l’empêche pas d’être arrêtée à Poullaouen. Transférée à Quimper, elle s’évade. Furieux, les juges la condamnent à mort et, en attendant, exigent que son effigie soit brûlée.
La bande de Marion se disperse et se cache. Après quelques années de cavale, Marion est arrêtée à Nantes le 21 octobre 1754. Elle est torturée puis condamnée à mort. Elle est pendue sur la place du Châtel de Quimper, l’actuelle place Saint-Corentin. Ainsi s’achève, à 38 ans, la carrière de la brigande.
Sous l’ancien régime, le système judiciaire est très complexe : de nombreuses juridictions s’imbriquent en fonction des droits féodaux, ecclésiastiques, communaux ou provinciaux. Ainsi, les nobles les plus puissants avaient droit de haute, moyenne et basse justice, la « haute » permettant de rendre des sentences de mort. Celles-ci faisaient toutefois l’objet d’appels automatiques au Parlement, qui devait confirmer ou non la sentence.
Les pendaisons étaient effectuées sur des fourches patibulaires dont le nombre indiquait le prestige de la seigneurie. Peu de ces fourches ont traversé le temps en Bretagne, mais la toponymie en conserve un certain nombre de traces. On dénombre ainsi un grand nombre de park ar justis.
Concernant Marion du Faouët, une découverte étonnante a été faite lors des fouilles de la place Saint-Corentin à Quimper dans les années 1990. Les archéologues ont mis au jour les fondations d’une structure circulaire qui a très probablement servi de pilori sous l’ancien régime. C’est sans doute là que la célèbre voleuse centre bretonne a été exécutée. Lors du réaménagement de la place, l’endroit a été stylisé par des blocs de granit plus foncés.
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