Joséphine Pencalet
sardinière et élue municipale
Ouvrière à Douarnenez, Joséphine Pencalet participe aux grèves de 1924-1925. Elle est élue conseillère municipale en mai 1925. C'est la première femme élue de Bretagne, une élection symbolique qui est invalidée au bout de six mois. La Troisième République n’a en effet jamais reconnu le droit des femmes à être éligibles. Joséphine retourne ensuite à l’anonymat de sa condition d’ouvrière.
Avant-dernière d’une famille de marins pêcheurs de treize enfants, Joséphine devient ouvrière d'usine en 1899 à l’âge de 13 ans. Puis elle s’exile à Argenteuil près de Paris en 1906 ou 1907.
Là-bas, devenue lavandière, elle épouse Léon Le Ray, un Breton d’Ille-et-Vilaine employé de la Compagnie des chemins de fer de l’Ouest. Le couple a deux enfants, nés en 1910 et en 1918. Mais son mari décède de la fièvre typhoïde en 1923 et elle se retrouve veuve avec ses deux enfants à charge.
Elle revient alors à Douarnenez ou elle est embauchée dans une conserverie, l’une des vingt six usines de la ville, que tout le monde désigne du nom de « fritur ».
Lors de la grande grève de Douarnenez, entre le 21 novembre 1924 et le 7 Janvier 1925, elle devient trésorière de la Fédération de l’alimentation de Douarnenez, affiliée à la Confédération générale du travail unitaire (CGTU).
Discrète, elle ne fait pas partie du comité de grève. Elle participe cependant aux manifestations, comme le souligne Charles Tillon, permanent régional du syndicat, qui la décrira ainsi dans ses mémoires : « Cette grande fille énergique tenant le drapeau rouge ».
En décembre 1924 se tient une élection partielle au conseil municipal de Douarnenez, qui voit élire onze membres du Bloc ouvrier et paysan. L’implication du maire communiste Daniel Le Flanchec dans le soutien à la grève des sardinières est ainsi plébiscitée. C’est ensuite sans surprise que sa liste est réélue en mai 1925.
Mais comment Joséphine se retrouve-t-elle dans ce conseil ? Il s’avère que le Parti communiste a reçu pour consigne de Clara Zetkin, membre du Komintern, de présenter des femmes aux élections municipales en utilisant une brèche dans la loi électorale. Les femmes peuvent se présenter mais ne peuvent pas être élues ! En avril 1925, les députés votent une loi autorisant le vote des femmes mais pas le sénat.
Plusieurs partis ont l’intention de présenter des femmes. Le parti communiste veut être à la pointe du mouvement et envoie une circulaire : « Il importe que les premières femmes élues de France soient des camarades communistes ».
A Douarnenez, Joséphine Pencalet « se dévoua », selon les propos de Charles Tillon. Elle figure ainsi en quatrième position sur la liste mais ne fait pas campagne. Son travail à l’usine et ses enfants ne doivent guère lui laisser de temps.
Cette présence symbolique sur une liste électorale n’intéresse pas les journaux locaux. Seul Le progrès du Finistère se moque de Le Flanchec, « Quel farceur ce Flanchec ! Féministe, tout le monde le sait, il n’attend pas le vote d’une loi pour hisser sur le parvis un de ses ”camaradesses”. »
Le 3 mai 1925, Joséphine Pencalet est malgré tout élue avec le Bloc ouvrier et paysan de Daniel le Flanchec. Elle arrive en 25e position sur 26 élus dans l’ordre des suffrages.
Sa présence insolite parmi les élus lui vaut cette fois d’avoir droit aux honneurs de la presse. Son élection est notée comme une « innovation » par l’Ouest-Éclair. Quant à l’Humanité, l'édition du 6 mai 1925 titre : « La sardinière Joséphine Pencalet, conseillère municipale ». Et le journal poursuit : « Douarnenez, toujours à la pointe du combat social a élu triomphalement une femme ! C’est notre camarade Joséphine Pencalet, veuve de guerre, ouvrière d’usine, qui fut l’une des plus courageuses à la tête du mouvement de grève ». Même si elle n’était pas veuve de guerre ni dirigeante du mouvement de grève, elle fut l’une des 10 femmes françaises, élues sur des listes du Parti communiste et la seule en Bretagne.
Joséphine Pencalet est présente à l’installation du Conseil municipal le 17 mai. Le 20 mai, le préfet demande l’annulation de son élection, qui est sans surprise notifiée à l’intéressée le 16 juin. Joséphine introduit une requête devant le Conseil d’état le 21 juillet. Celui-ci donne sa réponse le 25 novembre : « Aucune disposition de la loi ne déclare les femmes éligibles aux élections municipales ».
L’invalidation de Joséphine Pencalet passe inaperçue. Ni le conseil municipal de Douarnenez, ni le parti communiste, ne protestent contre cette décision. Devant ce silence, Joséphine comprend que sa candidature a été utilisée à des fins électorales. Elle refusera toute sa vie de participer à la vie politique locale.
Il faudra attendre le 21 avril 1944, soit près de 20 ans après sa candidature, pour que les femmes obtiennent enfin le droit de voter et de se présenter aux élections.
En novembre 1924 un bras de fer oppose le tout puissant syndicat de la conserverie aux ouvrières de Douarnenez. Les quelques avancées proposées se heurtent à la détermination des grévistes : Pemp real a vo ! soit un franc de l’heure, contre les 80 centimes proposés, sans majoration des heures de nuit.
Soutenu par la municipalité communiste de Daniel le Flanchec, le conflit prend une dimension nationale avec l’arrivée de délégués régionaux et nationaux de la CGTU (Confédération générale du travail unitaire) et du parti communiste.
Le bras de fer est ponctué par un coup de force des patrons qui engagent des hommes de main. Le maire et son gendre sont grièvement blessés à coups de pistolet. Devant la réprobation générale les conserveurs doivent plier. Les ouvrières ont gagné !
Le contrat conclu à Douarnenez en janvier 1925 servira de modèle à toutes les conserveries du littoral.