Joséphine Pencalet
sardinière et élue municipale
Ouvrière à Douarnenez, Joséphine Pencalet s’illustre lors des grèves de 1924-1925. Puis elle est élue conseillère municipale en mai 1925, ce qui est considéré comme la première victoire du féminisme militant en Bretagne. Mais l’élection est invalidée au bout de six mois et elle retourne à l’anonymat de sa condition d’ouvrière.
Avant-dernière d’une famille de marins pêcheurs de treize enfants, Joséphine fait ses études dans un pensionnat catholique à Quimperlé. En conflit avec l’institution, elle se brouille avec ses parents et s’exile en région parisienne.
Là-bas, devenue domestique, elle épouse Léon Le Ray, un Breton conducteur de locomotive. Le couple a deux enfants, nés en 1910 et en 1918. Mais elle se retrouve veuve dès 1919.
Elle revient alors à Douarnenez où elle est embauchée à la conserverie Chancerelle, l’une des vingt usines de la ville, que tout le monde désigne du nom de « fritur ».
Joséphine connait bien les rouages syndicaux : elle y a été initiée par son mari cheminot, syndiqué à la Confédération générale du travail unitaire.
Lors de la grande grève de Douarnenez, entre novembre 1924 et Janvier 1925, elle devient secrétaire adjointe de la section locale de la CGTU. Discrète, elle ne fait pas partie du comité de grève. Si elle participe aux manifestations, elle n’est pas en première ligne.
Mais elle se fait remarquer par Lucie Collard, responsable du travail des femmes à la CGTU, et Charles Tillon, permanent régional du syndicat, qui la décrira ainsi dans ses mémoires : « Cette grande fille énergique tenant le drapeau rouge ».
En décembre 1924, une élection partielle voit élire onze conseillers municipaux du Bloc ouvrier et paysan à Douarnenez. L’implication du maire communiste Daniel Le Flanchec dans le soutien à la grève des sardinières se voit ainsi plébiscitée. C’est donc sans surprise que sa liste est réélue en mai 1925.
Mais comment Joséphine se retrouve-t-elle dans ce conseil ? Il s’avère que le Parti communiste a reçu pour consigne de Moscou de présenter des femmes à cette élection afin de donner corps au projet de société égalitaire. Charles Tillon affirme ainsi dans ses Mémoires que cette ”avenante veuve se dévoua”.
Joséphine figure ainsi en quatrième position sur la liste mais ne fait pas campagne. Son travail à l’usine et ses enfants ne doivent guère lui laisser de temps. Cette présence symbolique sur une liste électorale n’intéresse pas les journaux locaux. Pourtant, les femmes n’ont à l’époque ni le droit de voter, ni le droit de se présenter aux élections. Sa candidature est donc illégale.
Le 3 mai 1925, Joséphine Pencalet est malgré tout élue avec le Bloc ouvrier et paysan de Daniel le Flanchec. Elle arrive en 24e position sur 25 élus dans l’ordre des suffrages.
Sa présence insolite parmi les élus lui vaut cette fois d’avoir droit aux honneurs de la presse. Son élection est notée comme une ”innovation” par l’Ouest-Éclair. Elle est saluée avec un certain lyrisme par l’Humanité : ”C’est notre camarade Joséphine Pencalet, veuve de guerre, ouvrière d’usine, qui fut l’une des plus courageuses à la tête du mouvement de grève”. Les autres journaux sont plus lapidaires : ”La citoyenne J. Pencalet est élue”, ”Une camarade communiste est élue”.
Joséphine Pencalet est présente à l’installation du Conseil municipal le 17 mai. Le 20 mai le préfet demande l’annulation de son élection, qui sans surprise est notifiée à l’intéressée le 16 juin. Joséphine introduit une requête devant le Conseil d’état le 21 juillet. Celui-ci donne sa réponse le 25 novembre : « Aucune disposition de la loi ne déclare les femmes éligibles aux élections municipales ».
L’invalidation de Joséphine Pencalet passe inaperçue. Ni le conseil municipal de Douarnenez, ni le parti communiste, ne protestent contre cette décision. Devant ce silence, Joséphine comprend que sa candidature a été utilisée à des fins électorales. Elle refusera toute sa vie de voter et de participer à la vie politique locale.
Il faudra attendre le 21 avril 1944, soit près de 20 ans après sa candidature, pour que les femmes obtiennent enfin le droit de voter et de se présenter aux élections.
En novembre 1924 un bras de fer oppose le tout puissant syndicat de la conserverie aux ouvrières de Douarnenez. Les quelques avancées proposées se heurtent à la détermination des grévistes : Pemp real a vo ! soit un franc de l’heure, contre les 80 centimes proposés, sans majoration des heures de nuit.
Soutenu par la municipalité communiste de Daniel le Flanchec, le conflit prend une dimension nationale avec l’arrivée de délégués régionaux et nationaux de la CGTU (Confédération générale du travail unitaire) et du parti communiste.
Le bras de fer est ponctué par un coup de force des patrons qui engagent des hommes de main. Le maire et son gendre sont grièvement blessés à coups de pistolet. Devant la réprobation générale les conserveurs doivent plier. Les ouvrières ont gagné !
Le contrat conclu à Douarnenez en janvier 1925 servira de modèle à toutes les conserveries du littoral.