Sites gallo-romains de Corseul
Cette petite cité tient une place bien particulière dans l’histoire de Bretagne, une place qui remonte à la plus haute antiquité. Nous sommes en 56 avant J-C ... Toute l’Armorique a été vaincue par les Romains. La coalition menée par les Vénètes, Osismes, Riedones, Namnètes, Coriosolites et autres peuples, a été défaite lors d’une terrible bataille navale contemplée par Jules César lui-même, dans le golfe du Morbihan, et, sur terre, dans les environs d'Avranches. Il en fera écho dans sa « Guerre des Gaules », et ces peuples qu’il mentionne ont légué leur nom respectivement à Vannes, Rennes, Nantes … et Corseul !
L’histoire de Corseul : Naissance, rayonnement et déclin de Fanum Martis (Le Temple de Mars)
Comme les autres peuples gaulois, les Coriosolites se virent doter d'un chef-lieu, fondé vers 15-10 av. J.-C., qui prit le nom de Fanum Martis : le Temple de Mars. Ce nom apparaît sur la « Table de Peutinger », carte d’itinéraires romains copiée au Moyen-Âge, et parvenue jusqu’à nous !
La création de la cité Gallo-Romaine
Sous l’empereur Auguste (vers 15-10 av J.-C.) les autorités établissent des habitats le long d’un premier axe. S’ensuit un plan complet en quadrillage établi peu après, sous Tibère, (14-37 ap. J.-C.), et à l’image des cités romaines ; toutes les rues se croisent en angle droit et encadrent un vaste espace public : le forum.
La situation géographique est propice, au carrefour de 5 voies qui la relient à Noviodunum (Jublains) et Condate (Rennes), Duretie (Rieux) et Darioritum (Vannes), et enfin Vorgium (Carhaix) et Le Yaudet vers l’ouest. La voie qui va vers Rennes et Avranches (cité des Abrincates), traverse la Rance au niveau de la bourgade gallo-romaine de Taden. Ce port fluvial permet la traversée par bac et surtout donne accès à l’estuaire, porte d’entrée vers les routes et le commerce maritimes. Connectée par terre et par mer, Fanum Martis devient un important pôle de romanité en Armorique.
Une cité prospère et un haut-lieu de pèlerinage
Grâce à cette situation favorable, la cité se développe au long du Ier siècle, comme en témoignent la découverte de villas richement décorées (murs rouge et noir, mosaïques au sol, comme à Pompéi). Le quartier de Monterfil devient un centre économique avec des ateliers de forgerons, de bronziers et d’autres dédiés à la laine et au cuir. Les amphores à vin, les céramiques de luxe (sigillées) affluent. Des villas entourent une trame urbaine qui comptera à son apogée (Ier et IIe siècles) jusque 6000 habitants sur une cinquantaine d’hectares.
Cité commerçante, Fanum Martis est également un lieu de pèlerinage, son Temple de Mars étant élevé au début du IIe siècle. Au « Haut Bécherel » se dresse en effet un grand sanctuaire, l'un des plus vastes complexes religieux de tout l’Ouest de la Gaule.
Déclin de Fanum Martis
La fréquentation du temple diminue fortement vers 250 ap JC. Un violent incendie (soulèvement local ou raid barbare ?) ravage le complexe peu après 275. La cité, qui n’est pas dotée de remparts défensifs va rapidement décliner, emportée par la crise généralisée de la fin de l’empire Romain. A cette même époque, à l’abri derrière ses remparts, la cité d’Alet est en plein essor. Malgré un bref regain au début du siècle, le milieu du IVe siècle voit l’abandon puis l’exploitation comme carrière des bâtiments antiques. Fanum Martis perd de son importance, même si monnaies, céramiques et bâtiments épars témoignent d’une occupation continue, mais très modeste, au siècle suivant.
Mais notre « Domaine de Dieux » a perdu de sa superbe et est devenue la modeste Civitas Coriosolitum.
Avec l'aimable relecture de Patrick Galliou, professeur émérite en anglais/archéologie, CRBC (Centre de Recherche Bretonne et Celtique) – UBO (Université de Bretagne Occidentale).
Sans doute grâce au dieu Mars tant révéré, il reste encore beaucoup à voir à Corseul ! On doit saluer ici le dynamisme de Corseul et de Dinan agglomération, qui ont aménagé un véritable parcours patrimonial.
Tout d’abord le superbe Centre d’Interprétation Archéologique Coriosolis - Des plans, des maquettes, de nombreux objets exhumés lors des fouilles et une expérience de réalité virtuelle pour visualiser l’antique Fanum Martis !
Coriosolis - Dinan Agglomération (dinan-agglomeration.fr)
Le "Temple du Haut Bécherel " … Incontournable ! A 1,5 km du bourg, une tour octogonale de 22 mètres se dresse encore dans la campagne. Les vestiges des murs, les panneaux explicatifs et une immersion virtuelle nous restituent le temple à son apogée, au sein de son immense aire sacrée.
Site: Corseul cité historique.
Le "Jardin des Antiques" présente les vestiges d’une voie romaine traversant la cité. Côté Nord : les soubassements de trois entrepôts ; trois autres édifices leur font face. Cette voie qui amenait au Forum est encore bordée de magnifiques colonnes de granit, vestiges des anciens portiques des échoppes. https://www.corseul.fr/corseul-une-cite-historique/monterfil-jardin-des-antiques
Allons ensuite rêver à la Domus du Champ Mulon, à 100 m du bourg ; une Villa du Ier siècle, transformée en complexe thermal au IIIe siècle
https://www.corseul.fr/corseul-une-cite-historique/la-villa-du-champ-mulon
Enfin, évoquons les antiques habitants de la cosmopolite Fanum Martis… Rendez-vous à l’Église Saint Pierre, devant l’émouvante stèle de la Carthaginoise Silicia Namgidde, qui s’éteignit à Corseul à la fin du 1er siècle. https://www.corseul.fr/corseul-une-cite-historique/la-stele-monument-historique
Livres et articles
J.Y. Eveillard, Les voies Romaines en Bretagne, Éditions Skol Vreizh, 2016.
N. Katarzynski, La stèle de Silicia Namgidde : une épitaphe africaine, dans Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, 2016.
Article accessible en ligne :
La stèle de Silicia Namgidde : une épitaphe africaine (CIL XIII, 3147) (openedition.org)
Patrick Galliou, L’Armorique Gallo-Romaine, Éditions Armeline, 2005.
H. Kerebel, A. Provost, Le déclin progressif de Corseul (C. d’A.), ancien chef-lieu de la Cité des Coriosolites, dans Supplément à la Revue archéologique du centre de la France, 2004.
Article accessible en ligne :
https://www.persee.fr/doc/sracf_1159-7151_2004_act_25_1_1161
H.Kerebel, Corseul, un quartier de la ville antique, dans Documents d’Archéologie Française, 2001.