Oppidum du Yaudet
Le Yaudet est un site emblématique de l’histoire de Bretagne. « Koz-yeoded » en Breton, ‘la vieille cité’ est déjà mentionnée dans la Vie de saint Efflam, rédigée au XIe siècle. Du fait de ses vestiges, des nombreuses découvertes de monnaies et poteries antiques, le Yaudet a toujours attiré l’attention des historiens. Les légendes et traditions s’y rattachant sont nombreuses ; l’une d’elle y voit le premier évêché du Trégor fondé par Saint Tugdual, bien avant son transfert à Tréguier.
L’histoire du Yaudet : un condensé d’histoire de Bretagne
Dominant l’embouchure du Léguer et doté de remarquables défenses naturelles, le site a favorisé l’implantation humaine tout au long des siècles. Un vaste programme de fouilles archéologiques mené de 1991 à 2002 a permis de démêler, tout au moins partiellement, l’histoire de la légende.
Les premières occupations
Si quelques éléments indiquent une présence dès le Mésolithique, c’est plutôt le Néolithique qui est nettement caractérisé au Yaudet. Les premiers agriculteurs ont laissé une quarantaine d’outils en silex, cinq haches polies, ainsi que des fragments de poteries qui traduisent des échanges à l’échelle du département actuel. À quelques kilomètres en aval, sur l’autre rive du Léguer, le site de Kervouric a révélé trois grands habitats datés de 4800 av. J.-C., du tout début du Néolithique en Bretagne.
L’âge du Bronze
Un rempart barrant l’isthme du Yaudet peut être attribué à cette période, et trois pointes de flèches en silex trouvées sur le site datent du Bronze ancien (2000 à 1800 av. J.-C.). Des dragages dans la rivière du Léguer ont mis au jour des épées s’échelonnant du Bronze moyen (1500 av. J.-C.) au Bronze final (800 av. J.-C.), et à quelques kilomètres, les sites de Tossen-La-Motta et de Bel-Air ont livré les restes d’un tumulus et d’un vaste enclos du Bronze ancien.
A l’âge du Fer : un oppidum Osisme
Le Yaudet est à nouveau fortifié vers 100 av. J.-C., le témoin majeur en étant l’énorme talus barrant l’accès terrestre au promontoire, et contourné au nord par l’étroite route d’accès. Ce rempart, renforcé à deux reprises, est du type « murus gallicus », avec façade de granite, structure interne de poutres de bois clouées entre elles. L’ampleur des fortifications qui protégeaient les accès et le mobilier découvert (monnaies gauloises osismes et abrincates, céramiques d’outre-Manche, amphores romaines) font du Yaudet un véritable ‘oppidum maritime’ jouant certainement un rôle économique et politique de premier plan en Armorique et commerçant avec le Sud de l'Angleterre.
La période romaine et l'Antiquité tardive
Situé à l'écart des grands axes de circulation terrestre, Le Yaudet continua d'être habité au début de l'époque romaine, mais perdit de son importance, probablement au profit de Lannion, situé en fond d'estuaire et facilement accessible par les principales voies.
Tout changea à la fin du IIIe siècle : une solide muraille au mortier caractéristique fut édifiée à l’aplomb des structures gauloises. Deux grandes portes d’entrée, sans doute surmontées de tours, ont pu être fouillées. Celles-ci s’intégraient vraisemblablement à un ensemble de quatre portes reliées entre elles par des axes se croisant à angle droit, à l’emplacement de l’église actuelle. Telle Alet, ou Brest, le Yaudet devait être une station portuaire abritant une flottille d’intervention, intégrée à un dispositif défensif de la péninsule. S’ensuivit une période d’abandon, sans doute au profit d’autres cités.
La reprise de l’occupation, à une période de recrudescence de la piraterie en Manche, évoque à nouveau une vocation militaire et un statut élevé. Une phalère de bronze (pièce de harnais de cheval de l’armée) d’un type unique en Bretagne ainsi qu’une fibule cruciforme associée aux fonctionnaires impériaux furent exhumés. Le promontoire restait connecté aux circuits commerciaux : on y a retrouvé un fragment d’amphore à huile grecque de la fin du Ve siècle, d'un type connu sur des sites de statut élevé en Irlande et Grande-Bretagne.
Du Haut Moyen âge à nos jours
Cette époque voit l’aménagement de parcelles cultivées sur les deux plateaux à faible pente, et alignés sur la trame gallo-romaine. Y sont associées des fours de séchage des grains, l’un d’entre eux daté entre 600 et 820 ap. J.-C. Un bâtiment contemporain, entouré de tombes, pourrait correspondre à une première chapelle. En contrebas, dans l’anse de la Vierge, la marée basse découvre les vestiges d’un mur monumental qui a sans doute soutenu un ou deux moulins à marée. De l’autre côté du Léguer, une construction similaire a été datée par dendrochronologie de 615 ap. J.-C. La construction de tels ouvrages a nécessité une mobilisation de main d’œuvre exceptionnelle. Leur association et la présence d’une chapelle rendent probable l’hypothèse d’un établissement monastique datant des migrations bretonnes.
Des maisons paysannes des XIe-XVe siècle révèlent une occupation continue au Moyen-Âge, Le Yaudet redevenant un hameau d’agriculteurs et d’éleveurs. La chapelle actuelle remplace en 1857 un édifice du XVIe siècle, contemporain de plusieurs maisons du bourg. Le pèlerinage du Yaudet, tenu le 15 août, vers sa chapelle à la rare Vierge couchée, fut très fréquenté jusqu’au milieu du XXe siècle.
Avec l'aimable relecture de Patrick Galliou, professeur émérite en anglais/archéologie, CRBC (Centre de Recherche Bretonne et Celtique) - UBO (Université de Bretagne Occidentale).
Avant d’arriver au Yaudet, ne manquez pas dans le bourg de Ploulec’h la superbe borne milliaire. Typiquement gallo-romaine, elle traduit la proximité des voies romaines qui menaient à la cité. Cette borne est surmontée d’une croix, et est intégrée au mur entourant l’église paroissiale.
Le rempart traversier
Derrière le restaurant ‘Les Genêts d’or’, on accède par l’ouest à cette vaste fortification de l'âge du Fer, à la pente très marquée à l’Est. Cet immense talus multiséculaire fermait l’accès terrestre de la cité.
Le mur de pêcherie
Accessible à marée basse. Encore appelé ‘Mur ar c’hored’ en breton (le mur de pêcherie, ou par dérision ‘Mur ar c’horeg’, le mur du nain !). La Vie de saint Efflam nous conte que c’est à son pied que le coracle d’Enora s’échoua, voguant de l’Irlande qu’elle avait quittée pour retrouver son mari.
Admirez la taille des blocs et la trace des ‘pertuis’ par lesquels s’écoulait l’eau à marée descendante.
La porte maritime et les vestiges des remparts du IIIe siècle sont parmi les vestiges les plus remarquables du site. Dominant le Léguer, se dresse la base d’une tour dont la jumelle a disparu dans la rivière maritime. Les pierres du seuil sont encore en place, ainsi que l’emplacement d’un gond. A quelques mètres un corps de garde du XVIIe siècle est construit sur les vestiges des remparts gaulois et romains.
La fontaine. Face à l’embouchure du Léguer, cette fontaine aménagée dans une faille de granite montre encore de jolies sculptures, et des bassins aménagés. Non loin de cette fontaine – d’où l’on a une vue superbe sur la ria du Léguer – se trouve un autre corps de garde.
La chapelle du Yaudet. Du XIXe siècle, avec quelques beaux éléments de l’édifice antérieur et son retable à la Vierge couchée : ‘Itron Varia ar goz Yeoded’.
Les livres et articles
Barry Cunliffe et Patrick Galliou, Le Yaudet en Ploulec’h, Côtes d’Armor. Archéologie d’une agglomération (IIe av. J.-C. - XXe ap. J.-C.), Éditions Presses Universitaires de Rennes – Société d’Emulation des Côtes-d’Armor, 2015.
Site internet
Office de tourisme, Côte de granit rose
https://www.bretagne-cotedegranitrose.com/villes-de-la-cote-de-granit-r…