Menhir de Kerloas
Une pierre magique.
Officiellement classé monument historique en 1883 sous le nom de menhir de Kervéatous, ce mégalithe s'impose comme un monument incontournable du patrimoine breton. Réputé être le plus haut menhir d’Europe encore debout, il attire en effet l'attention par ses dimensions considérables. Mais il est connu aussi pour ses pouvoirs très particuliers…
Une prouesse des hommes préhistoriques
Le grand menhir de Kerloas, également nommé menhir de Kerveatous, a été érigé il y a environ 4 000 ans ou 5000 ans, donc vers 2 000 avant J.-C., au Néolithique.
Il s’élève à 9,50 mètres du sol, et si l’on compte aussi la partie enterrée, il fait un total d’environ 11,5 mètres. Sa largeur est de 2,2 mètres et il pèse plus d’une centaine de tonnes !
La pierre, un granite porphyroïde à grands cristaux de feldspath rose, vient du sous-sol de l’Aber-Ildut, c’est-à-dire d’un site pas très éloigné de son lieu d’implantation. Mais il n’empêche, déplacer ce gigantesque mégalithe sur plus de 2 kilomètres, avec un dénivelé positif de près de 100 mètres, puis le mettre en terre et le hisser vers le ciel, tout cela relève de la prouesse si l’on considère le peu de moyens à disposition à l’époque !
On constate aussi que son sommet est biseauté : cette coupe franche pourrait résulter d'un événement naturel plutôt que de l'intervention des tailleurs du Néolithique. Certains récits rapportent en effet qu'au XVIIIe siècle la foudre, en s'abattant sur le menhir, l'a décapité de son sommet, lui retirant environ 1,5 mètre de hauteur.
Un menhir aux pouvoirs magiques !
Ce géant de pierre est par ailleurs remarquable par une autre caractéristique : deux protubérances lui valent le surnom de an tort (prononcer « tortt »), c’est-à-dire « le bossu », en breton. Et, bien entendu, ces deux bosses n’ont pas manqué d’inspirer les populations locales au fil des siècles…
Ce sont deux écrivains, Jacques Cambry (1749-1807), auteur du fameux Voyage dans le Finistère, et son disciple, le chevalier de Freminville (1787-1848), officier de marine et archéologue établi à Brest, qui nous entraînent du monde de l’histoire à celui des histoires : les deux bosses du menhir de Kerloas étaient en effet réputées pour leurs vertus particulières, particulièrement dans le domaine de la fertilité ! Pensez donc, une gigantesque pierre dressée avec deux boules à la base…
Cambry et de Fréminville racontent ainsi que les jeunes époux se rendaient au menhir, de préférence la nuit venue et, presque nus, ils se frottaient le ventre, chacun contre une bosse du menhir. Ce rite était censé assurer à l'époux la naissance d'enfants, surtout de garçons !, et à la femme la prospérité du mariage.
Les rites de fertilité de ce type ne sont en réalité pas spécifique à la pierre dressée de Plouarzel. De nombreux autres mégalithes sont connus pour favoriser la fécondité et le mariage, comme le menhir penché de La Tiemblais à Saint-Samson-sur-Rance dans les Côtes-d'Armor, où les jeunes femmes devaient glisser, en partie nues, le long de la pierre.
Il semblerait par ailleurs que ces deux bosses soient au cœur d'autres traditions, ayant trait cette fois à la santé. L’archéologue George Guenin nous informe en effet que les malades se rendaient à Kerloas et se frottaient aux protubérances du menhir en quête d'une guérison magique. Si rien d’autre ne marche, après tout…
Le plus haut menhir debout en Europe !
Le menhir de Kerloas est une pierre dressée de 9,5 mètres de hauteur hors sol. Sa taille lui permet d’être visible jusqu’à 30 kilomètres alentour, et il a ainsi longtemps servi de repère pour les navigateurs.
Ce colosse du Néolithique est le plus haut menhir encore debout en Europe, voire au-delà. Le menhir d’Er Grah à Locmariaquer, dans le Morbihan, a certes des dimensions encore plus imposantes, puisqu’il fait 20,4 mètres de long et qu’il atteignait une hauteur hors sol de 18,5 mètres lorsqu’il était encore debout, mais il est aujourd’hui couché et brisé en plusieurs morceaux.
Mamelles ou phallus ?
Le visiteur ne manquera pas de remarquer les deux fameuses bosses qui ornent le menhir de Kerloas, des éléments qui n'ont pas leur égal dans l'art mégalithique armoricain.
Leur emplacement, à environ 1 mètre de la base de la pierre levée, et leur positionnement, l'une sur la face ouest, l'autre sur la face est, renforcent l’aspect phallique du monument. D’aucuns prétendent d’ailleurs que la magie opère encore et qui sait, vous pouvez toujours essayer de stimuler votre fertilité en utilisant la vieille technique locale consistant à se frotter le ventre contre les deux bosses…
Mais tous ne regardent pas le mégalithe du même œil : les sculptures en ronde-bosse ont été décrites par l’écrivain Jacques Cambry (1749-1807) comme deux « espèces de mamelles » ; et Charles Blin estime également que ces « mamelons » lui donnent une apparence féminine. A chacun sa vision, donc !
Cachez cette bosse…
On note enfin sur cette pierre levée la présence de deux croix gravées, l'une à côté de la bosse occidentale et l'autre au-dessous de l’autre bosse, vers la base du monument mégalithique. Cette christianisation n’est en réalité pas étonnante, sur cette terre très catholique du pays de Léon, où les prêtres en chaire condamnaient avec véhémence toutes les pratiques jugées déviantes, qu’elles soient sexuelles ou simplement païennes.
D’ailleurs, nombreux sont les menhirs et les stèles christianisées qui jalonnent les croisées de chemins à travers le Léon, de Lanrivoaré à Brignogan, et de Plouguerneau à Loc-Eguiner-Saint-Thégonnec !
Les livres
Tous les ouvrages suivants évoquent, à des degrés divers et de manière différente, le menhir de Kerloas. Ils sont classés par ordre chronologique de parution, les plus récents d’abord :
On trouvera aussi de superbes dessins de stèles christianisées dans cet ouvrage récent :
Les sites Internet