Le Parlement de Bretagne
Le Parlement de Bretagne, monument emblématique de Rennes, est aujourd’hui le siège de la Cour d’appel de la région. C’est aussi un témoin de l’histoire bretonne qui a faillit disparaître lors d’un incendie en 1994.
Un tribunal pour tous
Sous l’Ancien régime, un parlement est un tribunal composé de magistrats : les conseillers au parlement, avec un président, qui rendent la justice. Le parlement a été précédé par ce que l’on a appelé les Grands Jours de Bretagne (car le tribunal ne s’assemblait que certains jours de l’année) établis en 1485 par le duc de Bretagne François II (1435 – 1488), le père d’Anne de Bretagne.
Les magistrats rendent d’abord la justice au nom du duc de Bretagne, puis au nom de son héritier, le roi de France. Comme le duc (ou le roi), juge et source de justice, ne peut être partout à la fois, et juger en personne les Bretons, il a délégué son pouvoir de justice aux Grands Jours, puis à un Conseil et chancellerie, et enfin à l’institution qui prend le nom de parlement en 1554 (sur le modèle des autres parlements du royaume).
Le Parlement de Bretagne est officialisé en mars 1554 par un édit du roi Henri II (1519 - 1559), dans la suite de l'Édit d'Union de 1532 qui marque l’union des deux couronnes : la couronne ducale et la couronne de France.
Nantes, Rennes et Vannes
A leurs débuts, les séances du Parlement de Bretagne alternent entre Rennes et Nantes par volonté d’équité entre les deux villes. La première séance à lieu à Rennes au Couvent des Cordeliers du 2 août au 31 octobre 1554, puis la séance suivante de février 1555 aura lieu à Nantes.
Après l’alternance initiale on va assister à une véritable bataille des municipalités - et de lobbying dirait-on aujourd’hui - pour l’obtention durable du Parlement dans leurs villes respectives.
Les conseillers parlementaires sont souvent issus de familles bretonnes, mais pas uniquement, car la moitié des charges, ainsi que la charge de président, sont réservées à des « non originaires de Bretagne ». La distinction a été faite à l’origine pour limiter une potentielle force de revendication bretonne au lendemain de l’édit d’Union. Mais, dans la pratique, les mariages entre familles dites originaires et non-originaires font que cette distinction perd peu à peu de son sens.
Il s’agit en tout cas de postes prestigieux et les membres du Parlement appartiennent à l’élite sociale des villes. En effet, avec le système de vénalité des offices (l’achat des charges publiques), le poste de conseiller est réservé à de grandes fortunes qui obtiennent par ce biais anoblissement et distinction de rang dans la société.
Les parlementaires, leurs familles et leurs entourages représentent aussi des apports non négligeables pour la ville qui les accueille et ils peuvent être investis dans le commerce local et son développement, ce qui explique aussi partiellement la rivalité entre Nantes et Rennes aux débuts du Parlement.
Finalement, en 1561, c’est le gouverneur de Bretagne, le duc d’Étampes, qui organise un vote - consultatif, la décision revient au roi - aux États de Bretagne pour régler la question de la localisation du Parlement. La noblesse vote à 3 contre 1 pour Rennes. Le vote est assez clair en faveur de Rennes. C’est donc dans la ville de Rennes qu’il s’installe durablement.
À l’exception d’un épisode…
En 1675, Louis XIV (1638 - 1715), déplace le parlement à Vannes, dans la volonté de punir les parlementaires rennais de leur soutien à la révolte du Papier timbré (soulèvement antifiscal, en France et en Bretagne, dans les villes puis les campagnes). Peut-être également pour pénaliser les rennais eux-mêmes, car des émeutes violentes éclatent dans les rues de la ville. Ce qui n’empêche pas les parlementaires de continuer de défendre les intérêts des Bretons. L’exil du Parlement va durer jusqu’en 1690.
Fonctionnement du Parlement de Rennes
Sous l’Ancien Régime, le Parlement de Bretagne rend la justice suivant la Coutume de Bretagne (un ensemble de règles et d’usages en matière de droit), et supervise plusieurs juridictions. Il a également droit de remontrances au roi, c’est-à-dire qu’il peut contester les lois avant leur enregistrement, ce qui lui donne un droit de regard législatif.
Entre 1673 et 1715, Louis XIV tente de museler les parlementaires en n’autorisant l’usage de leur droit de remontrance qu’après qu’une loi - un édit - soit enregistrée, ce qui revient à vider le droit de remontrance de sa substance puisqu’il n’y a alors plus grand-chose qu’ils puissent faire !
Le droit de remontrances disparaitra définitivement avec les parlements en 1790.
Il faudra attendre 1804 pour que le bâtiment du Parlement abrite la Cour d’Appel de Rennes.
Le palais du Parlement
Il faut au Parlement un édifice digne de sa fonction. Le bâtiment va être édifié tardivement par rapport à sa date de création, faute de fonds, mobilisés sur d’autres fronts par les guerres de religion.
La ville de Rennes lève de nouveaux impôts pour son financement, et sa construction sur la rive nord de la Vilaine débute en 1615, pour s'achever en 1655. C’est l’architecte Salomon de Brosse, également architecte du Palais du Luxembourg de Paris, qui supervise les plans définitifs à la suite de Germain Gaultier, architecte de la ville de Rennes.
Le parlement continuera ses modifications et embellissements au cours des siècles : en 1720, il est doté d’une place royale comportant en son centre une statue équestre de Louis XIV, ou bien encore des tapisseries de la prestigieuse Manufacture des Gobelins sont réalisées entre 1902 et 1924.
La nuit du 4 au 5 février 1994
Rennes est alors le lieu de violentes manifestations de marins-pêcheurs face à la crise de la pêche, au moment du passage du premier ministre Edouard Balladur dans la ville. Jets de pavés, devantures cassées, affrontements avec les CRS ont émaillé la journée.
Dans l’après-midi, une fusée éclairante passe par les ardoises du toit et se fiche dans la charpente.
Le feu couve et se déclare dans la nuit : la toiture s’embrase. Les lueurs de l’incendie sont visibles à des kilomètres. Les pompiers seront plus de cent cinquante à pomper l’eau de la Vilaine - l’eau du réseau de la ville ne suffit plus - pour arriver à éteindre le brasier devant les yeux des rennais abasourdis. La charpente s’effondre. Il faut non seulement contenir l’incendie, mais aussi tenter de sauver les œuvres d’art qui le peuvent dans le bâtiment. L’un des chefs des pompiers déclare : « A 3h58, nous étions maitres du feu. Là, on savait qu'il n'y avait plus aucun risque. Les pompiers sont quand même restés sur les lieux une semaine, jusqu'au samedi suivant. Il y avait des tas de cendres qui se consumaient encore (…). »
L’évènement est d’autant plus marquant pour la ville et ses habitants qu’elle avait été partiellement incendiée en 1720 et que le parlement était alors resté intact.
Il faudra cinq années de travaux pour restaurer l’édifice et lui redonner vie : il ouvre à nouveau en 1999.
Avec l'aimable relecture d'Antoine Rivault, maître de conférence en histoire moderne, UBO (Université de Bretagne Occidentale), Brest.
Le parlement de Bretagne
La façade du parlement a retrouvé son cadran solaire après les restaurations, comme les armoiries du royaume de France ou les symboles de la Justice. Sur son toit couvert d’ardoises (dont la charpente est aujourd’hui métallique), on peut distinguer quatre statues dorées d’un 1 mètre 70 qui représentent la Loi, la Force, l’Éloquence, et la Justice.
La Grand’ Chambre est l’une des plus belles pièces du parlement : son plafond à caissons a été réalisé par Charles Errad, peintre et architecte de renom, en 1656, et les peintures qui l’ornent sont agencées autour d’une œuvre centrale dédiée à Minerve ou la Justice. Une tapisserie monumentale de la Manufacture des Gobelins représentant la mort de Bertrand du Guesclin occupe l’un des murs du fond.
D’autres salles sont à découvrir, comme la salle Félix-Armand Jobbé-Duval ou la salle des Enquêtes. La première comporte à chacun des coins de son plafond un médaillon représentant la Force, la Prudence, l’Éloquence et la Connaissance. Les décors de la seconde sont dus à Louis Ferdinand Elle le jeune (1649 -1717), peintre du roi, comprenant une œuvre centrale et des médaillons circulaires.
Dans la ville
Il est à l’évidence beaucoup de découvertes à faire à Rennes, entre le Musée de Bretagne, celui des Beaux-Arts, ou encore les mosaïques de la famille Odorico.
Vous en trouverez tous les détails et de nombreuses idées sur la page de Destination Rennes, office de tourisme .
Parc du Thabor
Il a ouvert ses portes au public en 1868 et, sur plus de 10 hectares en centre-ville, on peut y faire aujourd’hui plus d’une promenade, entre ses jardins à la française, ses serres, le jardin botanique, ou ses grands espaces verts, dont les pelouses accueillent les rennais aux beaux jours. Musiques, animations ou théâtre, sont aussi au rendez-vous.
Dans le parc, se trouve "L’Enfer, théâtre de verdure" : il doit son nom à une excavation réalisée par la ville après l’incendie de 1720, pour en faire une réserve d’eau qui s’avère insuffisante au regard des besoins de la ville. Une scène est finalement construite en 1948 et quelques représentations ont lieu (comme l’Arlésienne en 1952), mais le véritable projet de théâtre de verdure fonctionne depuis 2012.
L’histoire du parc est riche, vous pouvez la découvrir ici.
Les livres et articles
Antoine Rivault, Le duc d’Étampes et la Bretagne. Le métier de gouverneur de province à la Renaissance (1543-1565), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2023, 393 p.
Louis-Michel Nourry, Francine Lieury, Le Thabor, renaissance d'un patrimoine rennais, Éditions Apogée, 2013.
Emmanuel Coquery, Charles Errad (1601-1689) : La noblesse du décor, Éditions Arthena, 2013.
Gauthier Aubert, Alain Croix, Michel Denis, Jean-Yves Veillard, Histoire de Rennes, Éditeur Evergreen, 2010.
Emmanuel du Rusquec, Histoire du Parlement de Bretagne, Éditions Ouest France, 2007.
Gauthier Aubert, « Les parlementaires à Rennes au XVIIe siècle : la grandeur et l’exil », dans Les Parlements et la vie de la cité (XVI-XVIIIe siècle), édité par Yves Sassier et Olivier Chaline, Presses universitaires de Rouen et du Havre, 2004.
Article disponible en ligne :
https://doi.org/10.4000/books.purh.7332.
Les sites Internet
Office de tourisme de Rennes : Visiter le parlement de Bretagne.
Article Ouest France du 4/02/2019 : En Images, vingt-cinq ans après l’incendie.
Vidéo :
INA, l’Ouest en mémoire, réactions après l’incendie du parlement de Bretagne, 5 février 1994.