Forteresse de Paule
Il aura fallu une vingtaine années de fouilles et de recherches en Centre Bretagne pour révéler ce site archéologique majeur, dont l’occupation s’étend du 6e au 1er siècle avant notre ère. Il permet d’étudier l’installation et le mode de vie d’une famille d’aristocrates gaulois, depuis un domaine agricole jusqu’à la naissance d’une agglomération.
C’est en 1988 que tout a réellement commencé lors d’une fouille « d’urgence » sur un tracé routier en devenir.
Un domaine agricole
Une première série de fouilles de 1988 à 1995, permet de révéler un domaine agricole s’étendant sur près de 9000m2 et entouré d’un enclos. Il comprend une maison de 400 m² et ses dépendances, des souterrains, une citerne et deux cimetières.
L’emplacement choisit par les Osismes (peuple qui occupait l’actuel Finistère et l’Ouest des Côtes d’Armor) n’est à l’évidence par le fait du hasard : en haut d’une crête avec des terres cultivables en contrebas, près des sources de Saint-Symphorien et au carrefour de deux voies gauloises importantes.
Un habitat aristocratique fortifié du second âge du fer
Vers 300 avant notre ère, l'ancien domaine est arasé et un vaste bâtiment est érigé ainsi que des fortifications, renforcées par de profonds fossés à la fin du 3e siècle avant J.-C.
L’importance de l’habitat et des objets mis au jour témoignent de la richesse des habitants qui ont occupé le site sur cinq siècles.
Les archéologues estiment qu’à Paule une même famille a occupé cette résidence durant plus de cinq siècle. Une famille riche et puissante. En témoigne par exemple la présence d’amphores du 2nd et du 1er siècle avant J.-C., et de vases en bronze importés, signes que les habitants consommaient du vin qui, à cette époque, provenait de l’ouest de l’Italie. L’acheminer coutait donc cher…
Quatre statuettes
Quatre sculptures ont été mises au jour sur le site : des bustes de personnages d’une hauteur variant entre 43 et 27 cm, tous réalisés dans la même roche provenant d’un site distant d’une petite soixante de kilomètres.
Datées de la fin du 2nd et de la première moitié du 1er siècle avant notre ère, trois d’entre elles ont été brûlées, et toutes ont été enfouies vers 50 avant notre ère. L’une des statuettes présente une torque autour du cou et tient une lyre. La torque en tôle d’or peut signifier qu’il s’agit d’un individu particulièrement honoré, et la lyre fait penser à un barde, ces poètes lyriques gaulois. Pour Yves Menez, archéologue, l’interprétation de ces statuettes pourrait être qu’il s’agit de la représentation d’ancêtres d'une lignée.
Un incendie et le développement d’une agglomération
Aux environs de 170 avant J.-C. un incendie détruit une partie de l’habitat. A sa suite, les archéologues trouvent la trace d’importants travaux, de la reconstruction d’un habitat, des granges, d’écuries et d’entrepôts à sa périphérie, ainsi que la construction de nouveaux remparts. Des bâtiments sont érigés sur une surface de 10 hectares (5 ont été jusqu’ici fouillés par les chercheurs) à l’abri de l’enceinte : une agglomération a vu le jour.
Mais vers environ 15 avant notre ère, les lieux vont être abandonnés, et les remparts démantelés. La famille qui résidait en ces lieux a démantelé sa résidence ancestrale pour contribuer à la fondation de Vorgium (l’actuelle Carhaix), chef-lieu romain des Osismes. Elle a fondé un lieu de mémoire à cet endroit pour continuer à y honorer ses ancêtres durant plus de trois siècles.
Avec l'aimable relecture de Yves Menez, docteur en archéologie, ancien conservateur régional de l'archéologie à la Direction régionale des Affaires culturelles de Bretagne.
Du site, en accès libre au bord de la route départementale, n’est visible que la partie d’un rempart ayant été épargné par le remembrement de 1968. Les terrains fouillés ont été remis en état et sont désormais exploités en pâture. Les quatre statues sont quant à elle conservées avec l’ensemble des objets à la Drac (Direction régionale des Affaires culturelles) Bretagne, des moulages des bustes étant exposés au Musée de Bretagne de Rennes.
Centre Vorgium
A environ 14 kilomètres de Paule, à Carhaix, le centre est l'endroit idéal pour en apprendre plus sur les Osismes. Vous pourrez y découvrir sur 140 m2, les diverses facettes de la vie de la ville romaine.
Le centre possède également un jardin archéologique dans lequel ont été restaurées des domus (demeures urbaines). Vous pouvez par ailleurs appréhender en réalité augmentée ce qu’était les ruelles, les échoppes ou les thermes à l’époque, grâce à une tablette numérique. Enfin, un escape game virtuel vous fait entrer de plein pied dans la réalité des Osismes.
Toutes les informations sur les horaires et tarifs sont ici :
https://www.vorgium.bzh/preparer-sa-visite-a-vorgium
Site du Centre Vorgium :
Les livres et articles
Patrick Galliou, Les Osismes, peuple maritime d’Occident, Éditeur Institut culturel de Bretagne, 2023.
Yves Menez (dir.), Une résidence de la noblesse gauloise. Le camp de Saint-Symphorien à Paule (Côtes-d’Armor), Éditions de la MSH, Collection Document d’archéologie française, Paris, 2020.
Anne Villard-Le Tiec, Yves Menez, Thierry Loho, avec la collaboration de Maurice Gautier, Patrick Naas, « Habitats et nécropoles de l’âge du Fer en centre Bretagne », dans l’âge du fer en Europe », Éditions Ausonius, 2013.
Chapitre disponible en ligne :
https://una-editions.fr/habitats-et-necropoles-age-du-fer-centre-bretag…
Yves Menez, Pierre-Roland Giot, Fanette Laubenheimer, Elven Le Goff, Christophe Vendries, « Les sculptures gauloises de Paule (Côtes-d'Armor) », dans Gallia, tome 56, pp. 357-414, 1999.
Article disponible en ligne :
https://doi.org/10.3406/galia.1999.3013
Les sites Internet
Carbone 14, le magazine de l'archéologie, France Culture, le samedi de 19h30 à 20h par Vincent Charpentier, émission du 11 septembre 2021 :
INRAP, statuettes de Paule :
Atelier Skald - Sciences & Avenir 2021: Le barde à la lyre, où les secrets d'une statue gauloise révélés par la 3D:
https://atelier-skald.com/actualites/bretagne-le-barde-a-la-lyre-ou-les…