Chapelle Notre-Dame de Tréminou
les bonnets rouges et le code paysan
Cette belle chapelle du XIIIe siècle, inscrite à l’inventaire des Monuments Historiques en 1926, est un témoin de la révolte dite des Bonnets rouges de 1675.
La chapelle
C’est sur le site de cette chapelle du XIIIe siècle, qu’est signé l’un des « codes paysans » - sorte de « cahier de doléances » avant l’heure de la Révolution de 1789 - qui fait suite à un long soulèvement breton contre le pouvoir royal, dans les villes, puis dans les campagnes…
Papier timbré et bonnets rouges
La révolte dite du papier timbré, est une grande révolte antifiscale dans la France de Louis XIV en 1675. Le pays est en guerre contre la Hollande (1672 – 1678) et il faut trouver des finances pour la tenir et nourrir une armée de 250.000 hommes.
De nouvelles taxes et impôts sont donc mis en place, en particulier celle du papier timbré, qui donne obligation d’utiliser un papier payant (1 sol la feuille) marqué avec un timbre, une fleur de lys, pour tous les actes de commerce ou civils, ce qui bien-sûr augmente leur coût.
Dans le même temps un édit de 1674 réserve la vente du tabac au roi, provoquant un mécontentement populaire, car les circuits de distribution en sont affectés avec des ruptures de stock. Un autre édit touche l’étain, et donc la vaisselle d’une partie de la population.
De même, des impôts comme la gabelle du sel sont redoutés par la population bretonne : la Bretagne en est exemptée presque partout, et des rumeurs circulent régulièrement sur son possible retour.
Avec l’instauration des États provinciaux et locaux en France, la Bretagne bénéfice aussi de privilèges permettant d’accepter ou non les nouveaux impôts, ainsi qu’un certain nombre de libertés dans les prises de décisions. Les édits qui se succèdent empiètent sur ses droits contribuant à provoquer une crise de grande ampleur.
Les Bonnets rouges
A Bordeaux, Rennes et Nantes notamment, le mécontentement se fait sentir, et des émeutes commencent. Puis la révolte va gagner les campagnes et prendre le nom de « révolte des bonnets rouges ». La révolte commence le 9 juin 1675 à Châteaulin et se poursuit jusqu’au mois d’août. Des troubles éclatent à Quimper, Landerneau, Carhaix, Pontivy…
Carhaix se distingue en particulier avec la journée du 11 juillet pendant laquelle 6000 hommes s’attaquent au château de Kergoët. Le château est incendié et pillé. Les paysans armés de bâtons attaquent des manoirs et des presbytères et interpellent des seigneurs, des notaires taverniers, des prêtres recteurs. Une partie plus aisée de la population qui catalyse les ressentiments.
Sébastien le Balp
Un nom incarne la révolte dans la région de Carhaix, celui de Sébastien le Balp, notaire, qui prendra un temps la tête des insurgés. Début septembre, il fait résonner le tocsin dans les campagnes du Poher et tente de rassembler 30 000 personnes en armes. Le 2 septembre, accompagné de 2000 insurgés, il se rend au Tymeur. Son intention est de parlementer avec le seigneur Montgaillard, qu’il voudrait rallier à sa cause et convaincre de prendre le commandement les troupes insurgées. Mais le frère du seigneur sort son épée et blesse mortellement Le Balp à la gorge. En représailles, les insurgés pillent le Tymeur et brûlent une partie des archives. Privés de leur principal meneur, les rebelles se dispersent, tandis que les troupes de Louis XIV arrivent en Bretagne. La répression sera sévère.
Elle est incarnée par le duc de Chaulnes, à la tête de 6000 hommes qui sont dépêchés fin août en Cornouaille. Condamnations et exécutions se succèdent. Les clochers des paroisses des révoltés sont abattus. Le Parlement est transféré à Vannes.
Quant à Rennes, les habitants doivent y loger les dragons du roi pendant cinq mois durant lesquels de nombreuses violences et exactions ont lieu.
Le code paysan
Ils sont en fait plusieurs, rédigés dans les paroisses et exprimant les revendications des paysans. Celui qui intéresse la chapelle de Tréminou est dit « des quatorze paroisses » et est proclamé le 2 juillet. Il demande notamment que les paysans soient représentés aux États de Bretagne. Il demande aussi l’abolition des droits de champart (le seigneur a le droit de se réserver une part de la récolte) et de corvée (tache non rémunérée imposée par un seigneur).
Avec l'aimable relecture de Fanch Roudaut, professeur d'histoire moderne.
La chapelle
Elle date du XIIIe siècle, et a été restaurée au XIVe puis au XVIe siècle. Elle contient des statues polychromes datées du XVIe et XVIIe siècles, ainsi que des poutres dites « sablières » avec des sculptures.
La chapelle se visite pendant l’été grâce aux bénévoles de l’Association des amis de la chapelle. Le site où elle se trouve vaut en lui-même le détour car les extérieurs sont très beaux, en pleine nature, et vous pourrez également vous rendre à la fontaine à 500 mètres. Près de la chapelle, vous verrez la chaire à prêcher extérieure, celle-là même où ont été signés les codes paysans.
Depuis 2023, entre le 1er juillet et le 24 septembre des bénévoles de l’Association des amis de la Chapelle assurent une permanence pour les visites à l’intérieur de 14h30 à 18h.
L’association et la mairie organisent aussi des conférences et plusieurs évènements. Vous pouvez par exemple écouter des chants bretons (4 août 2024).
Renseignements, mairie de Plomeur : 02.98.82.04.65
Agenda : https://plomeur.com/agenda/
Le Pardon de Tréminou aura lieu en 2024 le 22 septembre. On y célèbre une grand-messe et il y a une procession de bannières. Une aire de pique-nique est souvent prévue sur place avec vente de gâteaux et boissons.
Renseignements : 02.98.82.06.20 ou 02.98.82.05.32.
Le dolmen de Kerugou
Il se trouve au Nord-Ouest de Plomeur. C’est un dolmen en forme de T, dont le couloir fait 6 à 8m de long, et débouche sur des chambres transversales qui font au total 6 à 7m de long. Les archéologues y ont mis au jour des poteries, datées comme le site de 3400-2600 avant notre ère. Cette céramique particulière comportant des rainures verticales a été trouvée pour la première fois sur le site, ce qui lui vaut le nom pour les archéologues de « type Kerigou ».
Musée de la préhistoire finistérienne de Penmarc’h
A 6 km au Sud-Ouest de Plomeur. C’était une institution ! Il est malheureusement fermé depuis 2020, et aurait fêté son centenaire en 2023. C’est regrettable de ne plus pouvoir profiter des 3000 objets qu’il contenait, qui ont été mis en caisses et stockés au centre départemental d’archéologie. Le musée exposait notamment deux reconstitutions de nécropoles ainsi que leurs squelettes. Un programme de numérisation des collections est prévu, mais beaucoup regrettent que ce lieu disparaisse. Des projets sont discutés afin d’essayer de lui redonner vie.
Un comité de soutien continu de poursuivre des animations (conférences, balades archéologiques) en lien avec les thématiques de l’ancien musée.
Contact : csmpf.prehistoire29@orange.fr
Les livres et articles
Christophe André, « Bonnets rouges contre chapeaux noirs : les enjeux vestimentaires de la révolte de 1675 dans le Cap Caval », dans Annales de Bretagne et des pays de l’Ouest, p. 61-100. (N° 130), 2022.
Bernard Rio, Sur les chemins des pardons et pèlerinages en Bretagne, Éditions Ouest-France, 2019.
Arthur de la Borderie, La révolte du papier timbré en Bretagne en 1675, Éditions Les Perséides, 2019.
Gauthier Aubert, La révolte du papier timbré, essai d’Histoire évènementielle, Éditions Presses universitaires de Rennes, 2014.
Ouvrage accessible en ligne : https://books.openedition.org/pur/50804?lang=fr
Charles-Édouard Levillain, Vaincre Louis XIV : Angleterre - Hollande - France, histoire d'une relation triangulaire 1665-1688, Éditions Champ Vallon, 2010.
Joël Cornette, « Chapitre 35. 1675 : l’année-rupture. La révolte des Torreben », dans Histoire de la Bretagne et des Bretons (Tome 1). Des âges obscurs au règne de Louis XIV, sous la direction de Cornette Joël. pp. 603-624, Éditions Le Seuil, 2005.
Giordana Charuty, « Le fil de la parole », dans Folie, Mariage et Mort. Pratiques chrétiennes de la folie en Europe occidentale, sous la direction de Giordana Charuty. pp. 103-169, Éditions Le Seuil, « La Couleur des idées », 1997.
Serge Duigou, La révolte des Bonnets Rouges en pays Bigouden, Éditions Ressac, 1989.
Pierre Jakez Hélias, Marh al lorh (éd. Bretonne), Le cheval d’orgueil mémoire d'un breton du pays bigouden (éd. Française), Pocket, 1982.
Michel Nassiet, « 11 juillet 1675, un document inédit sur la révolte des Bonnets rouges », dans Pour une histoire sociale des villes : Mélanges offerts à Jacques Maillar,Éditions Presses universitaires de Rennes, 2006.
Article accessible sur Internet : http://books.openedition.org/pur/25442
Documentaire
Auteur : Alain Croix ; Réalisateur : Patrice Roturier : « Bonnets rouges - Une révolte rurale en Bretagne (1675) », Production Université de Rennes 2.
https://www.lairedu.fr/media/video/documentaire/bonnets-rouges/