Bataille de Jengland - Beslé
la naissance politique de la Bretagne
La bataille de Jengland-Beslé, en 851, marque la victoire du breton Erispoë contre le franc Charles le Chauve. Le traité d’Angers qui en découle est l’acte de naissance de la Bretagne historique.
Contrairement à la bataille de Ballon qui la précède de six ans (845), bataille célèbre mais de moindre ampleur, la bataille de Jengland est documentée par différents chroniqueurs. Elle est menée par Erispoë (820 ? - 857), le fils du breton Nominoë (831-851) qui avait gagné à Ballon contre Charles le Chauve, le roi des francs.
Les protagonistes
Charles le Chauve (823-877)
C’est le fils issu du second mariage de Louis le Pieux, et donc, le petit-fils de Charlemagne. Il est roi (843) de la Francia occidentalis, la Francie occidentale - à ne pas confondre avec la France telle que nous la connaissons, et empereur d’Occident (875).
En 840, à la mort de son père Louis le Pieux, l’empire carolingien est divisé entre ses fils, qui entrent en guerre entre eux. Charles le Chauve s’allie à son frère Louis le Germanique contre leur frère ainé Lothaire 1er.
Le breton Nominoë, allié du père de Charles le Chauve et son représentant nommé en Bretagne, va se révolter contre lui, et Charles le chauve n’a de cesse que de vouloir régner sur la Bretagne dont il a hérité. Les affrontements entre Bretons et Francs sont aussi courants depuis la fin du VIe siècle, au rythme des soulèvements, des batailles et des répressions.
Erispoë (820 ? – 857)
A la suite de la mort de Nominoë, Erispoë poursuit la lutte engagée par son père contre les Francs et Charles le Chauve. Les historiens savent assez peu de choses de lui, si ce n’est au moment de la bataille de Jengland, et au moment de sa mort (il est assassiné par son cousin Salomon). Il est roi des Bretons de 851 à 857.
La bataille - 22 août 851
La bataille se déroule à Jengland-Beslé, sur la commune actuelle du Grand-Fougeray, aux confins de l’Ille-et-Vilaine et de la Loire-Atlantique, le long de la rive gauche de la Vilaine. Nous sommes le 22 août 851. La bataille s’engage avec une grande violence et va durer trois jours pendant lesquels s’affrontent les cavaliers Bretons d’un côté, et les Francs et les mercenaires Saxons du roi de l’autre, qui sont le plus souvent à pied.
Voici un extrait de la Chronique de Réginon de Prüm (842-915) :
(…) « Tantôt ils (les cavaliers bretons, ndlr) donnent impétueusement, avec toutes leurs forces, dans la masse serrée des bataillons francs et les criblent de leurs javelots, tantôt ils font mine de fuir, et les ennemis lancés à leur poursuite n'en reçoivent pas moins leurs traits en pleine poitrine. Accoutumés à combattre de près lance contre lance, les Francs restent immobiles, frappés d'étonnement, effrayés de ce nouveau péril qui leur était inconnu (…). » (Cité par Joël Cornette dans Les bretons de Nominoë - référence dans la bibliographie qui suit).
Erispoë et ses troupes sortent vainqueurs de la bataille. C’est ensuite à Angers que va être signé en 851 un traité décisif : Charles le Chauve reconnait Erispoë comme roi, même s’il demeure son vassal. C’est la naissance de la Bretagne, reconnue comme un territoire autonome. Son roi a autorité sur le Rennais, le Nantais et le Pays de Retz.
Avec l'aimable relecture de Yves Coativy, professeur en histoire médiévale, directeur du CRBC (Centre de Recherche Bretonne et Celtique) - UBO (Université de Bretagne Occidentale).
Le site de la bataille
Il ne reste rien à voir de cette célèbre bataille. Le site s’étend entre des champs de terre brune bordés d’une lisière de grands arbres et les herbes folles. Là encore, le silence d’aujourd’hui renvoie aux échos des faits d’armes d’hier. Il n’y a pas de mémorial, pas une indication sérieuse qui tendrait à rappeler au visiteur d’aujourd’hui l’importance de ces combats pour l’Histoire de la Bretagne ! Et si Nominoë, le père, possède un mémorial sur le lieu de la bataille de Ballon, le fils Erispoë semble bien oublié…
Vous pouvez néanmoins découvrir Grand-Fougeray, et vous promener dans la vallée de la Vilaine en empruntant les sentiers de randonnée, en particulier autour de Beslé :
La Tour du Guesclin
C’est le seul vestige du château de Grand Fougeray, témoin d’un fait d’armes de Bertrand du Guesclin en 1350. Cet ancien donjon mesure 30 mètres de hauteur et il est classé aux Monuments Historiques depuis 1913.
Visites guidées gratuites
Mairie de Grand Fougeray, page sur la Tour du Guesclin : https://www.grand-fougeray.fr/listes/activites-touristiques/
L’auditoire de Justice
C’est un bâtiment qui date du XVIe siècle dans lequel était rendu la justice seigneuriale au Moyen-Âge et sous l’Ancien Régime. Il possède une belle façade à pans de bois et en encorbellement.
De nombreux sentiers permettent aussi de se promener au long de la Vilaine en profitant du calme de l’eau et des paysages.
Sentiers de France, Circuit de l’île de Beslé :
Les livres et articles
Mickaël Gendry, « Identité, peuple et nation dans la Bretagne médiévale : évolution de l’historiographie », dans Annales de Bretagne et des pays de l’Ouest, (n° 129-1), p. 11-45, 2022.
Laurent Theis, « III. 6 juin 848. Le tour du monde du roi Charles », dans Charles le Chauve. L’empire des Francs, sous la direction de Laurent Theis. Éditions Gallimard, « Hors-série Connaissance », pp. 37-52, 2021.
Philippe Tourault, « Chapitre 4 - Le temps des rois. (851-907) », dans Histoire de la Bretagne, sous la direction de Philippe Tourault. Éditions Perrin, « Synthèses Historiques », pp. 83-126, 2019.
Valeria Pansini, « 11 batailles qui ont fait la Bretagne », dans Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, 123-4, pp. 205-207, 2016.
Joël Cornette, « Chapitre 9. De Nominoë à la naissance du royaume breton (832-851) », dans Histoire de la Bretagne et des Bretons (Tome 1). Des âges obscurs au règne de Louis XIV, sous la direction de Joël Cornette. Éditions Le Seuil, « L'Univers historique », pp. 165-175, 2005.
Jean-Christophe Cassard, Les Bretons de Nominoë. Nouvelle édition. Presses universitaires de Rennes, 2003.
Ouvrage accessible sur Internet : http://books.openedition.org/pur/21442
Jean-Christophe Cassard, Les Bretons de Nominoë, Éditions Beltan, 1990.
André Chédeville et Hubert Guillotel, La Bretagne des saints et des rois, Éditions Ouest-France, 1984.
Léon Fleuriot, Les origines de la Bretagne, Éditions Payot, 1980.
Marcel Planiol, Histoire des institutions de la Bretagne, tome II, Éditions Le Floch, 1981.
Noël-Yves Tonnerre, Naissance de la Bretagne. Géographie historique et structures sociales de la Bretagne méridionale, Presse de l’Université d’Angers, 1994.
Site internet
Office de Tourisme du Pays de Redon : https://www.tourisme-pays-redon.com/