Abbaye Saint-Sauveur de Redon
l’œuvre des moines bénédictins
L’abbatiale Saint-Sauveur de Redon est classée Monument Historique en 1862 (église) et 1875 (clocher). Ces bâtiments étaient ceux de l'une des plus importantes abbayes de Bretagne au Moyen Âge, et les moines nous ont laissé un témoignage écrit de première importance : un cartulaire, dont la particularité, rare, est qu'il contient des actes très anciens, datant du début du monastère au IXe siècle.
Saint Conwoïon, le fondateur
Conwoïon (†868) est un moine de l’époque carolingienne. Issu du clergé de la cathédrale de Vannes, il s’installe à Redon, où il fonde en 832 un monastère dont il devient l’abbé.
Il obtient l’aval de Nominoë (†851), qui règne sur la Bretagne. Il s’assure aussi la protection de l’empereur carolingien Louis le Pieux (815-843), dont Nominoë est un fidèle : l’empereur, qui souhaite conforter son pouvoir sur la Bretagne et imposer la règle de saint Benoît dans tout l’empire franc, entérine la fondation de l’abbaye de Redon en 834.
Conwoïon prend également soin de procurer des reliques à son abbaye. Il s’agit de reliques de saint Apothème, l’un des premiers évêques d’Angers, et de saint Marcellin, pape et martyr (296-304) – la dépouille de ce dernier lui est remise à Rome par le pape Léon IV. Ces reliques vont contribuer à la renommée du monastère. Car se voir confier une relique, qui plus est par l’Église de Rome, confère beaucoup de prestige à l’église qui en est dépositaire.
Comme d’autres monastères de Bretagne, l’abbaye de Redon est ensuite victime des raids normands. Conwoïon et ses moines sont contraints de se réfugier non loin de là, à Maxent, dans l’actuelle Plélan, où ils construisent une nouvelle église. C’est là que l’abbé fondateur décède, en 868.
Le culte de Saint Conwoïon sera autorisé par Rome en 1866. Il est fêté en Bretagne le 5 janvier.
L’histoire de l’abbaye
L’abbaye de Redon que nous connaissons commence à être construite aux XIe et XIIe siècles, sur les fondations de l’abbaye de Conwoïon. C’est de cette époque que datent la nef de l’actuelle église (XIe siècle) et la tour au-dessus de la croisée du transept (XIIe siècle). Un incendie la ravage en 1230 et les travaux ne reprennent vraiment que vers 1280-1300. L’église romane est alors modifiée : elle reçoit un chevet gothique ; la construction d’une nouvelle façade est lancée, mais les travaux s’interrompent après l’édification de la tour nord.
L’abbaye se développe beaucoup et assoit sa puissance sur le pays environnant. Elle possède même au XIIe siècle des salines à Guérande - dont les revenus servent notamment pour l’hôpital qui jouxte l’abbaye -, des pâtures, des étangs, des cours d’eau, et des terres. Son influence s’étend sur 27 prieurés et 12 paroisses. Elle bénéficie aussi de nombreuses donations de seigneurs locaux.
Son emplacement, à la confluence de l’Oust et de la Vilaine, qui sont navigables jusqu’à la mer, fait qu’elle est située à un point névralgique pour les activités économiques, et elle participe au développement de la ville.
Au fil des siècles
Au XVIIe siècle, Richelieu (1585 - 1642) - nommé abbé commendataire de l’abbaye en 1622 - fait effectuer d’importants travaux de reconstruction, confiés aux Mauristes (les membres de la congrégation réformée de Saint-Maur). C’est de cette époque que datent, le grand retable de l’église et les bâtiments groupés autour du cloître. En 1780, un incendie ravage la nef de l’abbatiale : les trois premières travées sont détruites, ainsi que les niveaux supérieurs des autres travées ; la toiture est alors abaissée, privant la nef d’un éclairage direct.
Puis la Révolution passe par là, et l’abbaye est démantelée, pour devenir une église paroissiale. En 1838 la congrégation des Eudistes - Congrégation de Jésus et Marie - achète les bâtiments pour fonder ensuite un collège, qui est aujourd’hui un lycée catholique sous contrat avec l’État. Ce lycée occupe les bâtiments construits par les moines mauristes.
Le Cartulaire de Redon, un document exceptionnel
Qu’est-ce qu’un cartulaire ? C’est un recueil de titres relatifs aux biens d’une église ou d’un monastère. L’abbaye de Redon en compte deux, dont un beaucoup plus important. Ils sont transcrits dans les années 1062-1084, puis au XIIe siècle, mais les actes qui y sont consignés remontent jusqu’au IXe siècle. C’est un document exceptionnel car il donne une mine de renseignements sur l’époque carolingienne : qui cultive quoi, où ? Comment vivent ces personnes ? Qui sont-elles ? Quel est leur statut (serfs, colons, chefs…), quelle est leur condition ? Quelles sont leurs professions ? Le cartulaire en question contient 2.100 noms de personnes et 800 noms de lieux !
Ces documents peuvent parfois être sujets à caution car les moines copistes sont aussi tributaires des instructions qu’on leur donne : avantager une propriété plutôt qu’une autre, donner tel type d’information, en fonction du contexte religieux, politique et économique dans lequel se trouve, en l’occurrence, l’abbaye. Les experts et médiévistes les étudient donc avec un soin tout particulier. Mais ce cartulaire, conservé aux Archives historiques du diocèse de Rennes, demeure un témoignage unique sur la Bretagne de l’époque carolingienne.
Avec l'aimable relecture de Yves Gallet, professeur d'histoire de l'art médiéval - Université Bordeaux Montaigne.
L'ancienne abbatiale Saint-Sauveur
Elle est actuellement malheureusement fermée pour travaux, et vous ne pourrez découvrir ni sa nef romane, ni son chevet de style gothique rayonnant, ni son retable du XVIIe siècle, ni ses vitraux, pas plus que la statue polychrome de la Vierge du XVe siècle. Toutefois, tout n’est pas perdu, son cloître du XVIIe siècle demeure ouvert. Il est à voir, avec ses éléments décorés dans le style baroque à l’italienne, et les traces architecturales qu’ont laissées les Mauristes. Prendre le temps de s’y promener rappelle aussi la spiritualité des lieux, celle d’une autre temporalité, plus contemplative. Enfin, vous pouvez tout de même admirer les extérieurs de l’abbaye, son clocher de 67 mètres, et les restes des remparts qui dominent la Vilaine.
Redon
C’est une jolie visite que celle de la ville de Redon qui constitue une véritable promenade médiévale, avec à la clé des maisons à pans de bois, de belles maisons d’armateurs, et un port sur la Vilaine. Le Canal de Nantes à Brest passe à Redon. On peut aussi y visiter le musée de la Batellerie de l'Ouest qui retrace la vie quotidienne des mariniers, et l'histoire des canaux bretons.
Le monastère des Bénédictines du Calvaire
En y entrant, on peut découvrir un grand retable, et en apprendre plus sur l’histoire de cet ordre féminin fondé en 1617. Il ne se visite pas tout le temps, il faut se renseigner au préalable auprès de l’office de tourisme.
Les livres et articles
Yves Gallet, « Landévennec, Redon, Le Mont Saint-Michel. Topographie et architecture des abbayes de Bretagne et de l’Ouest du monde carolingien », dans Claude Lucette Evans et Paul Kenneth Evans (dir.), Monastères, convergences et confrontations dans l’Ouest de l’Europe au Moyen Âge. Actes du colloque Anciennes Abbayes de Bretagne (Université de Toronto, 2016), Turnhout, Brepols, (Haut Moyen Âge, 45), p. 87-104, 2023.
Georges Minois, « Chapitre VII. Trois conceptions de la vie monastique : Bernard, Abélard, Héloïse », dans Abélard, Héloïse et Bernard. Passion, raison et religion au Moyen-Âge, sous la direction de Georges Minois. Éditions Perrin, Biographies, 2019.
Florian Mazel, « Entre mémoire carolingienne et réforme « grégorienne » », dans Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, n° 122-1, p. 9-39, 2015.
Daniel Pichot, Georges Provost (dir.), Histoire de Redon : de l'abbaye à la ville (Actes du colloque tenu à Redon, 18-19 octobre 2013), Rennes, Presses universitaires de Rennes et Société archéologique et historique d'Ille-et-Vilaine, 2015.
Philippe Bonnet, Jean-Jacques Rioult, Bretagne gothique, Paris, Éditions Picard, p. 352-364, 2010.
Yves Gallet, « Opus anglicanum, opus francigenum ? Le chevet de l’abbatiale de Redon et la diffusion du gothique rayonnant en Bretagne », dans Stephan Gasser, Christian Freigang et Bruno Boerner (dir.), Architektur und Monumentalskulptur des 12.-14. Jahrhunderts / Architecture et sculpture monumentale du 12e au 14e siècle, Festschrift für Peter Kurmann zum 65. Geburtstag / Mélanges offerts pour le 65e anniversaire de Peter Kurmann, Berne, Peter Lang AG, p. 143-161, 2006.
Marc Déceneux, La route des abbayes en Bretagne, Éditions Ouest France, 2004.
Jean-Marie Pérouse de Montclos (dir.), Bretagne. Dictionnaire Guide du patrimoine, Monum- Éditions du Patrimoine, p. 390, 2002.
André Mussat, « L’église abbatiale Saint-Sauveur de Redon », Mémoires de la Société d’Histoire et d’Archéologie de Bretagne, p. 427-433, 1986.
Pierre Héliot, « Le chevet de Saint-Sauveur à Redon », Bulletin et Mémoires de la Société archéologique du département d’Ille-et-Vilaine, t. 79, p. 31-51, 1976.
Eugène Royer, Église abbatiale Saint-Sauveur de Redon, Éditions Lescuyer & Fils, 1970.
Sur le Cartulaire de Redon
Collectif, Cartulaire de l'abbaye Saint-Sauveur de Redon, Association des Amis des Archives Historiques du diocèse de Rennes, 2 t., 1998-2004.
Aurélien de Courson, Cartulaire de l’Abbaye de Redon en Bretagne (832-1124), Paris, Imprimerie impériale (Collection de documents inédits sur l’Histoire de France), 1ère série, 1863.
Sites internet
Le site des Amis de l’abbatiale :
http://www.amisdelabbatiale.fr/abbatiale/
Office de Tourisme de Redon :
Aurélien de Courson, « Cartulaire de l'Abbaye de Redon en Bretagne » - 1863, sur Internet Archive :
https://archive.org/details/cartulairedelabb00redo/page/n317/mode/2up