Abbaye Saint-Mathieu
de Fine-Terre
La pointe Saint-Mathieu, les ruines de l’abbaye, le phare et le sémaphore tous proches sont situés sur de hautes falaises dominant l’océan. Ils forment un ensemble où l’on peut tout à la fois se promener et découvrir l’Histoire, celle des moines et des marins, des récits de conquête et de combats.
L’abbaye aurait été fondée par saint Tanguy au VIe siècle, mais rien ne semble l’attester. Par ailleurs, des marins bretons revenant d’Égypte ayant à bord de leur navire la dépouille de l’apôtre saint Matthieu (Mahé ou Mazhe en breton), se seraient échoués sur un récif près de la pointe au IXe siècle. L’abbaye aurait ensuite accueilli la dépouille du saint, avant que cette dernière ne reparte en Italie un siècle plus tard… mais sa tête serait restée ou revenue sur place ! Aucun fondement historique sérieux ne vient corroborer cette histoire, mais l’abbaye semble demeurer un lieu de culte important au Moyen-Âge.
Bien que les documents soient rares concernant le site, on sait de l’abbaye qu’elle a été fondée au XIe siècle, probablement à l’initiative des vicomtes de Léon, par des moines bénédictins (de l’ordre de Saint-Benoît). Selon un historien, un tracé de route romaine identifié sur le site pourrait signifier l’implantation d’un établissement romain avant l’abbaye. Au Moyen Age, elle se développe et l’on trouve un village autour de l’abbatiale qui devient aux XIVe, XVe siècles un petit centre urbain.
L’abbaye est ensuite ravagée en 1295, puis en 1375 et 1404, bien qu’elle ait été fortifiée au XIVe. La Guerre de Succession de Bretagne (1341-1364) et la Guerre de Cent ans (1337-1453) s’entremêlent alors sur fonds de combats, de pillages, mais aussi d’attaques anglaises.
En 1656, alors que l’abbaye est quasi déserte, cette dernière est confiée par le Parlement de Bretagne a la congrégation réformée de Saint-Maur. La congrégation bénédictine, qui a vu le jour au début du XVIIe siècle, est notamment destinée à lutter contre le relâchement de la discipline dans les monastères. Ces membres sont appelés les mauristes. D’importants travaux sont alors entrepris sous leur égide et l’abbaye est reconstruite et restaurée.
Elle sera finalement vendue à la Révolution comme bien national, puis démolie en 1830, à l'exception de l'église abbatiale qui subsiste en partie.
Lors d’une campagne de fouilles archéologiques en 2000, les chercheurs se sont notamment appuyés sur une gravure du Monasticon Gallicanum représentant l’abbaye restaurée, pour tenter d’en savoir plus sur le bâtiment et l’organisation de la vie des moines.
Ce document est un ensemble de vues d’architecture religieuse du XVIIe siècle français réalisé par les mauristes.
Au XVIIe siècle quand l’abbaye a été reconstruite par les mauristes, l’unité de mesure, le pied, est établi à 32,45 cm. Il s’agit d’une référence royale pour les instruments d’étalonnage, mais qui peut varier suivant les chantiers. Les archéologues ont alors examiné plusieurs données de mesures fiables et ils ont finalement trouvé que le pied de 32,45 cm était ici trop petit, et qu’il fallait un pied de 32,80 cm pour corroborer les mesures de terrain et permettre des restitutions. Les dimensions maximales du bâtiment sont de 108 pieds sur 26. Vous pouvez vous amuser à faire le calcul…
Les chercheurs ont aussi pu confirmer que le rez-de-chaussée de l’abbaye abritait quatre grandes salles : le réfectoire des hôtes qui était chauffé ; le réfectoire des moines ; le cellier ; la salle méridionale dite « Grande Salle », chauffée elle aussi, et probablement destinée à accueillir les hôtes de marque reçus par les moines. Un document, un inventaire de 1790 y dénombre par ailleurs une table, des chaises, des soupières, des plats, des assiettes, des tasses à café et des verres à liqueur, ainsi qu’une cheminée.
La tour de l’abbaye de la pointe Saint-Mathieu est souvent considérée comme l’un des premiers feux pour guider les vaisseaux en mer d’Iroise. Simple fanal peut-être au Moyen-Âge, son existence est plus documentée à partir du XVIIe siècle. Elle semble fonctionner de façon épisodique pour guider les navires du roi, principalement les nuits noires d’hiver.
En 1773 on y installe un système neuf qui éclaire jusqu’à 5 et 7 lieues - environ 20 à 30 kilomètres. Finalement, devenue instable et menaçant de s’effondrer, elle est rasée de moitié en 1830. La Marine construit un nouveau phare (celui que l’on peut voir actuellement) à l’angle sud-est des ruines de l’ancienne église, mis en service en 1835.
Avec l'aimable relecture de Fanch Roudaut, professeur d'histoire moderne.
Il faut assurément visiter le site des ruines, qui est unique et spectaculaire à plus d’un titre. On y déambule entre voutes en croisées d’ogives et piliers romans, en haut de falaises parfois battues par les vents. On peut y croiser d’anciens blasons et armoiries, y découvrir une tour monumentale et des remparts, et imaginer la vie des moines qui s’y sont succédés. Vous y verrez par exemple, la massive tour à feu qui a servi un temps de clocher à l’abbatiale, des chapiteaux romans, des fenêtres en plein cintre, la nef et les restes du transept, comme le déambulatoire des moines, et même un tombeau, celui de Guillaume de Kerlec'h, abbé.
L’abbaye côtoie le GR34, et une borne 0 kilomètre, marque le point de départ de Saint-Mathieu vers Saint Jacques de Compostelle, reliant géographiquement les itinéraires spirituels.
Et comment ne pas aller voir en même temps le phare Saint-Mathieu qui domine la mer d’Iroise ? Au bout de 163 marches (qui en valent la peine), vous découvrirez un panorama à couper le souffle sur la mer.
Il retrace quant à lui l’histoire de la pointe saint-Mathieu depuis la préhistoire, et permet de découvrir la vie des moines. On y trouve une maquette à l’échelle de l’abbaye telle qu’elle pouvait être au XVe siècle qui permet de se projeter encore mieux dans sa réalité. On peut aussi y voir de nombreuses photos, et y visionner un film de 17 minutes, diffusé en continu, intitulé : « Saint-Mathieu, l’abbaye du bout du monde ».
L’association met également en place des visites costumées, deux après-midis par semaine durant l’été, ainsi que des visites guidées, tous les jours entre 14H et 18H.
C’est un monument, une stèle de 17 mètres de hauteur, inauguré en 1927 qui comprend un cénotaphe (monument funéraire qui ne contient pas de corps) à l’intérieur duquel on peut entrer. De nombreuses photographies de marins disparus ornent les murs en un émouvant hommage à ceux qui ont péri en mer.
Site du Mémorial (qui comprend une visite virtuelle) : https://memorial-national-des-marins.fr/memorial-national
Tout près de la Pointe Saint-Mathieu le musée est installé dans un ancien blockhaus. Il est l’œuvre de deux frères passionnés – les frères Coquil – qui ont recueilli et valorisé des témoignages, des objets comme des photographies de la Seconde Guerre mondiale en Bretagne.
Le site du musée : https://museememoires39-45.fr/
Arnaud Ybert (sous la direction de), « Saint-Mathieu de Fine-Terre (XIe-XVIIIe siècles) I.
Histoire d’une abbaye à la proue de la Bretagne », dans Actes du colloque de 2019, Éditions du CRBC, 2023.
Maria Kermanac’h, La tour dite “tour à feu” de l’abbaye Saint-Mathieu de Fine-Terre, Université de Bretagne Occidentale, 2020.
Article accessible en ligne : https://masterccs.hypotheses.org/14547
Fanny Tournier et Vincenzo Mutarelli, « Un bâtiment mauriste (XVIIe siècle) retrouvé à l’abbaye de Saint-Mathieu (Finistère) » dans Revue archéologique de l’Ouest, 2006 :
Article accessible en ligne : http://docplayer.fr/219533689-Revue-archeologique-de-l-ouest.html
Dir. Bernard Tanguy, Marie-Claire Cloître, « Saint-Mathieu de Fine-Terre à travers les âges », dans Actes du colloque 23-24 septembre 1994, Éditions du CRBC, les Amis de Saint-Mathieu,1995.
Prosper Levot, L'abbaye de Saint-Matthieu de Fine-Terre ou de Saint-Matthieu (Finistère), Éditeur Association des amis de saint-Mathieu, 1985.
J.Loth, « Le texte original de la légende de la translation des reliques de saint Mathieu en Bretagne », dans Annales de Bretagne et des pays de l’Ouest, 1902.
Article accessible en ligne : https://www.persee.fr/doc/abpo_0003391x_1902_num_18_4_1165
Sites Internet
Phares de France :
https://www.pharesdefrance.fr/les-phares-a-voir/bretagne-pays-de-la-loire/phare-de-saint-mathieu
Office de Tourisme Iroise-Bretagne :